l'association s'éloigne parfois de son objectif principal...
Ce lavoir est à proximité de la fontaine à grand débit; assez sympa, dans la falaise ; cette fontaine est équipée d'une pompe à fil que nous avons rénovée et peinte en bleu (ci-dessous).
A l'angle, mais on voit mal sur cette photo, il y a une "borne" avec vannes pour distribuer l'eau soit au lavoir, soit pour l'irrigation.
Pompe à fil sur la fontaine publique
après rénovation en 2005 par Alain Babin et André Résimont
La source de Saint-Jean, à deux kilomètres de Lascabanes, a été longtemps un lieu de pèlerinage très fréquenté. Elle coule dans une petite grotte, au bas d'un pré, sous un bouquet d'arbres, à la limite des paroisses de Lascabanes et d'Escayrac.
Ses eaux étaient surtout réputées pour les rhumatismes et les maux de reins. On y venait en foule le 24 juin pour en boire, s'en frictionner et en emporter une petite provision, toujours utile en cas de besoin.
Cette source avait une autre particularité. En temps de sécheresse, même si elle était tarie, elle se mettait à couler à minuit le jour de la Saint-Jean. Et si elle n'était pas à sec son débit devenait soudain plus abondant. Aussi les pèlerins y allaient-ils nombreux à cette heure privilégiée pour constater le prodige et pendant longtemps une messe nocturne était célébrée à côté de la source.
A une centaine de mètres de la fontaine, sur une hauteur, près de la route qui va de Lascabanes à Escayrac, une chapelle abandonnée rappelle l'attrait qu'exerçait le pèlerinage.
Sur l'enduit des murs, là où le plâtre adhère encore à la paroi, on déchiffre de nombreux graffiti au crayon. Certains sont maladroitement gravés avec un poinçon improvisé. On en voit aussi, tracés à la craie, sur les panneaux intérieurs de la porte.
Ces inscriptions sont relativement récentes puisque les dates relevées vont de 1923 à 1972. On y voit que saint Jean-Baptiste était invoqué non seulement pour des guérisons mais pour toutes sortes de grâces. Car ce ne sont pas des ex-voto mais des supplications. Les faveurs demandées sont extrêmement variées. Saint Jean priez pour moi pour avoir un bébé..., Saint Jean faites que j'aie une gentille petite fille (1967) ... Saint Jean aidez-nous dans notre avenir et que l'entente s'établisse dans la famille (1941) ... Saint Jean guérissez mon enfant (1946) ... Saint Jean protégez mon mari (1940) ... Saint Jean ramenez-moi bientôt mon cher mari prisonnier (1942) ... Saint Jean protégez mon futur fiancé (1946) ... Saint Jean protégez-moi de toutes les misères de la vie, de la grêle... et des petits péchés que je commets, grand merci par avance (1937). Le plus souvent, le graffiti indique simplement qu'un tel, de tel endroit, est venu en pèlerinage tel jour. Beaucoup sont signés, soit du nom, soit du prénom, soit de simples initiales. Certaines inscriptions émanent d'une famille ou d'un groupe. Mis à part les habitants des paroisses voisines (St-Pantaléon, Ste-Alauzie, St-Daunès...) les pèlerins viennent parfois d'assez loin, soit du Lot (Cahors, Saint-Germain-du-Bel-Air) soit d'ailleurs (Agen, Marseille) ; une des plus récentes inscriptions est ainsi libellée : Nous sommes venus à St-Jean le 18 août 1967, priez pour nous. Des Graulhetois.
A côté des invocations pathétiques se trouvent des prières qui prêtent à sourire. Par exemple cet enfant qui demande à Saint Jean « Empêche-moi de ronger mes ongles (1969) ». Ou ces jeunes filles. qui supplient Saint Jean faites que tous les dimanches nous chantions bien à la paroisse de St-Pantaléon et signent les chanteuses de Saint-Pantaléon. Ou encore ce pèlerin préoccupé des intérêts de son ami Mon bon Saint Jean protégez la vigne d'un tel car il trouve bon le bon vin....
La chapelle actuelle a été rebâtie en 1884 (date gravée au dessus de la porte). Il semble qu'autrefois il y ait eu là une église si l'on se réfère à un pouillé du XVIIe siècle qui signale « a ecclesia d'Escayraco habet annexam ecclesiam Sti Joannis des Cabanes » et plus loin « item ecclesia Sti Joannis d'Escayraco » (il ne peut s'agir des églises de Lascabanes ou d'Escavrac qui sont respectivement placées sous les vocables de Saint-Georges et de Saint-André). Une petite note manuscrite retrouvée dans les papiers du chanoine Albe fait état d'un acte de 1463 où il est question d'une église Saint-Jean « propre locum de Cabanis ».
Les archives diocésaines possèdent les réponses rédigées par les curés d'Escayrac et de Lascabanes en 1898 à un questionnaire de l'évêché sur la situation des paroisses du diocèse. Il est intéressant de comparer les points de vue des deux recteurs.
Voici d'abord ce que dit le curé d'Escayrac: « La croyance populaire est qu'une source qui coule à moins de cent mètres des quelques débris qui restent sur l'emplacement de l'église de Saint-Jean donne de l'eau dans la nuit de la Saint-Jean-Baptiste à minuit, quelle que soit la sécheresse et cette source fût-elle à sec depuis plusieurs jours. Elle a donc la réputation d'une source miraculeuse. On cite même des cas de guérison. Il y a chaque année un grand concours de pèlerins la nuit du 23 au 24 juin à la Saint-Jean; quelques-uns viennent de fort loin ; on prétend qu'il en est venu, dans le temps, du Poitou... Quant à Escayrac, la fabrique déposait autrefois un tronc à côté de la fontaine pour recevoir les offrandes des pèlerins, mais il ne s'y faisait aucune cérémonie religieuse. Il y a une quinzaine d'années M. Redon, curé de la paroisse fit bâtir une chapelle sur l'emplacement de la vieille église. Cette chapelle fut démolie par le maire de Lascabanes qui en fit bâtir une autre avec les débris de la première, à la même place (note en marge la chapelle n'a jamais été bénite). D'où contestation entre les deux paroisses, puis ordonnance épiscopale statuant que la chapelle serait mitoyenne et finalement interdiction, au moins verbale, aux deux curés de Lascabanes et d'Escayrac de s'en occuper ».
Et maintenant écoutons l'abbé Malbec, curé de Lascabanes. Après avoir rappelé qu'il y aurait eu à Saint-Jean une église et un cimetière, il écrit « on continue à avoir foi en cette eau par l'intercession de saint Jean. Aujourd'hui encore, pendant l'octave de ce grand saint, on vient de très loin et en très grand nombre prier devant cette fontaine, se laver les plaies du corps dans un bassin ad hoc, boire de cette eau et en emporter chez soi après avoir déposé une offrande dans le tronc à côté. Plusieurs croient avoir trouvé là leur guérison. On cite même des cas qui semblent tenir du miracle. L'église fut détruite à la Révolution. Il en reste encore des traces apparentes. Sur ces ruines, des laïques, sans aucune autorisation, ont bâti soi-disant une chapelle en 1884. Elle a fait l'objet de mille tripotages, mille coquineries, mille difficultés entre les Escayrac et les Cabanains... Cette chapelle n'a pas reçu la moindre bénédiction... Aujourd'hui elle appartient à sept propriétaires de Lascabanes~ qui se partagent les 60 ou 70 francs environ trouvés dans les troncs pendant l'octave de la Saint-Jean. Il se passe là bien d'autres désordres. Si Sa Grandeur désire, nous la mettrons au courant... ».
On aurait aimé avoir des détails sur ces « autres désordres » qui choquaient l'abbé Malbec et que l'évêque n' a sûrement pas voulu dramatiser.
Le chanoine Albe, dans son étude sur les paroisses du Lot, se contente de résumer le texte du curé d'Escavrac en soulignant « qu'on ne fait aucune cérémonie religieuse ». Ce dernier détail montre que le pèlerinage officiel a subi, comme tant d'autres, quelques interruptions.
Ce qui est certain c'est qu'environ vingt-cinq ans plus tard le culte collectif fut remis en honneur par un curé de Lascabanes qui, sur les instances de la population rétablit la procession à la fontaine avec la statue et les reliques de Saint Jean-Baptiste. Il aurait souhaité rétablir aussi la messe de minuit, mais l'Evêché consulté se montra plutôt réticent. Désireux malgré tout de ne pas aller à l'encontre des voeux conjugués du pasteur et de ses ouailles. il toléra que l'office fût célébré un peu plus tard, vers deux ou trois heures du matin (subtile nuance). Le dévoué curé ne put cependant obtenir que l'Evêché finançât la restauration de la chapelle.
Le pèlerinage reprit donc vigueur. La foule venait de toutes les paroisses environnantes. Entre deux dévotions, jeunes et vieux retrouvaient avec plaisir des parents ou des amis. Il y avait sur place quelque marchand de bibelots pieux voisinant avec des vendeurs de gâteaux et de limonade. On pique-niquait en famille. Dans tout cela l'aspect profane des festivités prenait inévitablement le pas sur le caractère religieux du pèlerinage.
Un nouveau curé jugea qu'il serait bon de remettre les choses en ordre. Il s'en ouvrit à l'évêque qui, en homme prudent et avisé, conseilla d'opérer avec doigté pour ne pas heurter les fidèles. Le curé décida de tenter une expérience. Il informa ses paroissiens que les cérémonies à la fontaine se borneraient dorénavant à une procession, simple aller et retour entre Lascabanes et Saint-Jean. La foule, comme à l'accoutumée, suivit le cortège, mais lorsque le prêtre fit demi-tour, il se retrouva seul avec les enfants de choeur et deux ou trois dévotes. Il en tira argument pour supprimer la procession, ce qui n'alla pas sans susciter critiques et protestations, et le pèlerinage ne tarda pas à décliner. Toutefois la fête de Saint-Jean est toujours célébrée à Lascabanes et à l'occasion de la messe les fidèles peuvent baiser ses reliques.
On a vu que malgré la suppression du pèlerinage organisé des personnes vont encore à la source et à la chapelle, soit le jour de la Saint-Jean, soit les jours précédant ou suivant le 24 juin. La plupart emportent de l'eau de la fontaine. Celle-ci existe toujours. L'entrée de la petite grotte, protégée par une grille, est encadrée d'une petite construction dont le linteau est orné d'une croix sculptée en léger relief. Sur les pierres servant de piédroits on voit à gauche les lettres S.T. et deux béquilles croisées, à droite JEAN (ces deux inscriptions en faible relief dans un cartouche ovale)
Dans le sol rocheux de la grotte est creusée une cavité rectangulaire qui sert à puiser l'eau en période de sécheresse car elle se remplit plus ou moins rapidement selon le débit de la source (dont le trop plein se déverse dans un bassin aménagé à l'extérieur). Certains ont voulu voir dans cette cuvette artificielle le témoignage d'un rite primitif tombé dans l'oubli.
On ne peut terminer sans rapporter ce qu'a écrit Sol « A Escayrac (Lascabanes) il y a une source qui ne coule, dit-on, que le 24 juin. Les cultivateurs y vont en pèlerinage ce jour-là pour se frotter les reins avec l'eau de cette source ; ils espèrent éviter, grâce à ce moyen, les douleurs des reins au cours de la rude besogne des moissons ».
Je dois à la vérité d'ajouter que de nombreux habitants de Lascabanes souhaiteraient un retour à la tradition et seraient prêts à participer à la renaissance du pèlerinage. Mais ceci est une autre affaire...